Municipales 2026 : Entre confiance et défiance, l’heure du pragmatisme aurait-elle sonnée ?
- Gildas Lecoq
- 9 mars
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 mars
Dans un an, les Français seront appelés aux urnes pour élire leurs conseillers municipaux, qui, à leur tour, choisiront les maires et leurs exécutifs locaux. Un scrutin de proximité qui, malgré son ancrage territorial, n’échappe pas aux secousses nationales et internationales. À l’aube de cette nouvelle échéance, un double constat s’impose : si la confiance dans les élus locaux reste forte, elle s’érode face à une défiance grandissante envers les institutions. À un an du scrutin, analysons les enjeux des « Municipales 2026 ». Par Gildas Lecoq

Un mandat hors normes : des élus en première ligne
Il convient d’abord de mesurer combien ces six dernières années ont été éprouvantes pour les élus locaux. Dès le début du mandat, ils ont dû gérer la crise du Covid-19, avec son lot d’incertitudes, de décisions d’urgence et d’accompagnement des populations en détresse. S’en sont suivies les crises économiques et énergétiques, la guerre en Ukraine, l’inflation galopante, la montée des tensions sociales et la défiance grandissante envers les institutions. Face à cette instabilité, les maires et leurs équipes ont tenu bon. Ce sont eux qui, au quotidien, ont assuré la continuité des services publics, maintenu la cohésion sociale et répondu aux préoccupations concrètes des citoyens. Ce sont eux qui, malgré tout, ont fait vivre la démocratie locale, souvent en première ligne face à la colère des habitants. Une colère palpable, nourrie par un sentiment d’abandon, de déclassement et parfois de lassitude à l’égard des politiques publiques.
Dans un contexte où la fracture entre gouvernants et gouvernés ne cesse de se creuser, ces élus municipaux demeurent pourtant les derniers remparts contre la défiance généralisée. Sans eux, la France vacillerait.
Retour sur les « Municipales 2020 » : la vague verte, entre réalité et illusions
Il y a six ans, le premier tour des municipales eut lieu à la veille du confinement, dans une France suspendue à l’inconnu. Le second tour, repoussé de plusieurs mois, donna lieu à ce que l’on a qualifié de « vague verte ». Certes, l’abstention record relativisa l’ampleur de cette dynamique, mais il n’en demeure pas moins que la question climatique s’invita au cœur des programmes et des politiques publiques locales. L’époque était marquée par une forte aspiration à un « monde d’après », nourrie par les marches pour le climat et la Convention citoyenne. Un résultat pourtant surprenant, car il était à mille lieues des revendications des « gilets jaunes », qui avaient été poussés, deux ans avant, vers les ronds-points de chaque commune de France en raison de la hausse du prix du diesel et d’autres décisions écologiques. Ce résultat, favorable aux élus écologistes, masquait surtout, à l’époque, selon certains élus locaux, une grande confusion chez entre l’offre d’écologie politique et la revendication environnementaliste des électeurs, notamment dans les communes fortement urbanisées. Quand les écologistes prônent la verticalisation de l’habitat, un certain nombre de leurs électeurs ne veulent plus de cette densification urbaine.
Six ans après, va-t-on assister à un changement de décor ? L’instabilité politique nationale et géopolitique, le retour de l’inflation, l’essor des populismes et des partis extrémistes de tous bords ont rebattu les cartes. La transition écologique, jadis fer de lance des ambitions municipales, devient une cible privilégiée pour certains qui la jugent coûteuse ou déconnectée des préoccupations immédiates. À un an des élections municipales, les priorités des Français sont, dans l’ordre : la criminalité et la violence pour 38 % d’entre eux, l’inflation pour 32 %, la pauvreté et les inégalités pour 28 %, le poids des taxes pour 27 %, les flux migratoires pour 24 %, quand la question du changement climatique ne préoccupe que 16 % des Français (-7 points depuis décembre 2024), selon la dernière enquête publiée par Ipsos (What Worries the World – février 2025).
2026 : un scrutin sous tension, entre pragmatisme et défiance
Les élections de 2026 s’annoncent sans doute plus serrées qu’en 2020. Même si la traditionnelle enquête du Cevipof souligne que 61 % des Français font confiance à leur maire, dans une récente étude de l’Ifop*, seulement 52 % des électeurs souhaitent voir leur maire réélu. Un chiffre en forte baisse par rapport aux 83 % de maires réélus en 2020, un chiffre alarmant.
Si les édiles conservent une certaine confiance, celle-ci s’effrite sous le poids des crises successives et de l’instabilité politique nationale. La dissolution de 2024 et les recompositions partisanes ont accentué la fatigue démocratique, tandis que les services publics en souffrance alimentent le mécontentement des Français.
La « crise des passeports » en est un exemple flagrant, au lendemain des périodes de confinement, où les délais d’obtention étaient parfois de l’ordre de six mois. Ces retards n’étaient nullement du fait des communes, mais des préfectures, et pourtant ce sont très souvent les villes qui ont été jugées responsables par leurs administrés. Le mandat qui s'achève est sans doute celui où le moins de projets annoncés et votés seront sortis de terre et inaugurés...
Dans ce contexte, les thématiques de la campagne 2026 vont forcément évoluer. La question de la sécurité va sans aucun doute devenir une priorité importante. La fiscalité locale, le coût des services locaux et la gestion de la dette seront également des préoccupations majeures, reflétant une exigence croissante en période de crise économique. Mais au-delà des clivages idéologiques, un impératif semble faire consensus : le pragmatisme.
Les Français ne cherchent plus des discours incantatoires, des listes de projets ou des promesses nombreuses. Non, ils veulent des résultats concrets. Comme en 2020 avec l’écologie, les électeurs veulent aujourd’hui des projets tangibles qui améliorent directement leur quotidien pour un coût modéré. Cela concerne aussi bien la rénovation des infrastructures que le logement, la santé, la sécurité ou encore le cadre de vie et la cohésion sociale.
Les Français et le choix du pragmatisme : un vote décisif
Dans cette période de tensions, c’est aux électeurs qu’il revient de trancher. Si le pragmatisme s’impose comme la priorité pour nombre de Français, il leur appartient de faire le choix des urnes en conséquence. L’électorat n’est pas passif : chaque voix est une déclaration sur ce que les citoyens attendent de leurs représentants. Les Français devront donc se rendre aux urnes non seulement pour exprimer leur mécontentement, mais aussi pour soutenir ceux qui, face à l’instabilité, sauront incarner cette approche pragmatique. Ceux qui dans la période compliquée que nous venons de vivre ont été capables de trouver des solutions concrètes aux problèmes du quotidien.
Il ne s'agit pas de faire un chèque en blanc, mais bien de choisir ceux qui, à travers des actions précises, pourront apporter une réelle réponse aux défis actuels.
Éviter le piège du « dégagisme »
Cette demande de pragmatisme n’est cependant pas synonyme d’adhésion automatique aux sortants malgré leur expérience et leur bonne connaissance du terrain. Au contraire, le spectre du « dégagisme » plane sur ce scrutin, comme il l’a fait lors de précédentes élections nationales. Le rejet des figures en place qui symbolisent malgré elles l'immobilisme des dernières années, pourrait se traduire par une forte volatilité électorale et une montée en puissance des alternatives, quelles qu’elles soient. Le dégagisme, prôné depuis de nombreuses années par les extrêmes, risque surtout de donner une impulsion à des changements trop radicaux, sans véritablement prendre en compte la complexité des enjeux locaux.
Pour les maires et candidats, l’enjeu est donc double : démontrer la qualité de leur bilan des six dernières années tout en projetant une vision réaliste et opérationnelle pour les années à venir. Dans une période où la défiance vis-à-vis des institutions grandit, le local reste l’un des derniers refuges de la confiance citoyenne.
À un an des municipales, l’heure est donc à la lucidité. Ni emballement idéologique, ni immobilisme défensif : les Français attendent de leurs élus locaux des actes, pas des postures. En 2026, plus que jamais, le pragmatisme sera la clé du scrutin à la fois du côté des candidats et de celui des électeurs.
*Sondage réalisé à l’occasion du Salon des Maires (19-21 novembre 2024)
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