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SRU, ZAN et ZFE, le parfait combo de la fracture territoriale !

  • Photo du rédacteur: Gildas Lecoq
    Gildas Lecoq
  • 28 mars
  • 6 min de lecture

La fracture territoriale entre la province et le pouvoir centralisé à Paris ne cesse de s'aggraver. Certains signaux encore trop faibles sûrement, devraient pourtant attirer notre attention sur les tensions croissantes qui minent l'équilibre du pays. Une sourde colère gronde pourtant. Ubuesque, kafkaïen, on pourrait en rire si ce n'était pas aussi dramatique et révélateur de notre capacité française à produire autant d'incohérence !  Par Gildas Lecoq

Le malaise est grandissant. Certaines mesures adoptées par les parlementaires — censés pourtant représenter la voix des territoires — semblent, bien au contraire, les contraindre davantage.


Faute de concertation et d’adaptabilité aux réalités locales, fautes de réelles connaissances, n'ayons pas peur des mots, certaines décisions, bien que louables, nourrissent frustrations et colères, et engendrent, surtout, une incompréhension de plus en plus profonde. Ce phénomène pourrait bien donner naissance à une nouvelle crise sociale, à l’image des Gilets jaunes, dont le conflit a éclaté face à des décisions perçues comme déconnectées des préoccupations locales.


Trois acronymes pour un parfait combo de la fracture

Aujourd’hui, trois mesures incarnent parfaitement cette déconnexion : la loi relative à la « solidarité et au renouvellement urbain » (SRU), la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN), et la mise en application des zones à faibles émissions (ZFE) dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants. Si les conséquences de ces décisions n'étaient pas si dramatiques, elles pourraient faire rire, tant la situation semble relever de l’absurde.


Il convient de rappeler pour la bonne compréhension de chacun qu’en France environ 70 % des habitants sont éligibles à un logement social.


Oui, 70 %. En 2001, au moment de l'application de la loi SRU, la France comptait environ 1,2 million de demandeurs de logements sociaux pour un parc de 4,5 millions de logements existants. La volonté politique était donc louable et consistait à « forcer » certaines communes à « produire » plus de logements sociaux afin de pouvoir répondre à la demande. Entrée en vigueur en 2000, la fameuse loi SRU visait donc à imposer aux communes de plus de 3 500 habitants (ou 1 500 habitants en Île-de-France !) un quota de logements sociaux d’au moins 20 % du parc de logements total. Depuis cette époque, le taux a été fixé à 25 %.


Cependant, le nombre de demandeurs de logements sociaux a considérablement augmenté, atteignant aujourd'hui plus de 2,6 millions de demandes, pour un parc de 5,9 millions de logements désormais.


Regardons le verre à moitié plein pour une fois.

L’objectif fixé en 2000 a, en effet, bien été atteint : produire 1,2 million de logements d’ici 2025. Le problème c’est qu’en 2000 la France était composée de 60 millions d’habitants, nous sommes aujourd’hui ... 68 millions.

Quelques éléments explicatifs complémentaires méritent d'être toutefois rappelés. Si la production des logements du « parc privé » a connu une hausse entre 2000 et 2007, elle a été suivie d'un ralentissement pendant la crise de 2008 à 2013, d’une relance modérée jusqu’en 2019 et d’une crise profonde depuis 2020. Bref les difficultés économiques et les contraintes liées à la crise sanitaire ont limité une croissance significative de la production de logements.


Si, dans les grandes agglomérations, la loi SRU a permis de répondre en partie à la pression démographique et de favoriser l’inclusion, son application dans les communes rurales ou périurbaines se heurte à de nouvelles problématiques.


Dans ces territoires moins densément peuplés, mais désormais au-dessus de 3.500 habitants, la construction de logements sociaux est devenue un véritable défi. Si les grandes villes bénéficient d’infrastructures et d'une offre en logements plus soutenues, les petites communes sont confrontées à des réalités bien différentes : des ressources limitées, des équipements publics peu ou pas du tout adaptés à une augmentation de la population, des résistances locales forcément et, surtout, des contraintes de foncier…

C’est ici que les difficultés commencent à naître. Tous les maires confrontés à ces questions vous le diront : On marche sur la tête !


ZAN versus SRU : qui va gagner ?

En effet, les communes rurales ou périurbaines sont soumises désormais aux mêmes obligations de construire pour atteindre, elles aussi, les fameux 25% de logements sociaux. Droit à construire lui même bloqué par les effets … de l’application du Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Explications.


Promulguée en 2021, le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) se veut un outil de préservation des sols et de lutte contre l’étalement urbain. Une ambition louable sur le papier, mais dont l’application rigide pourrait paralyser nombre de projets d’aménagement locaux.


Dans les communes rurales et périurbaines, cette loi est vécue comme une entrave au développement, une impossibilité de répondre aux besoins en logement et en infrastructures. Nombreux sont les maires souhaitant conserver le caractère pavillonnaire de leur commune plutôt que de verticaliser comme c'est le cas dans nombres de banlieues avec les conséquences problématiques que l'on connaît.


Là où Paris voit une nécessité écologique, les élus locaux constatent une injonction paradoxale : accueillir de nouveaux habitants, loger des citoyens n’ayant pas les moyens d’habiter en centre-ville, renforcer l’attractivité… tout en se voyant interdire de construire.

Certes il est important de freiner l'extension des espaces urbains et de préserver les espaces naturels, agricoles et forestiers. Mais face aux difficultés, il est nécessaire de modifier ou du moins de faire évoluer la méthode. L’Association des Maires de France (AMF), en juillet 2024 a d’ailleurs alerté sur l’uniformité des critères et des objectifs, qui ne prennent pas suffisamment en compte les spécificités locales.


Si les élus partagent l’objectif de sobriété foncière, de lutte contre le réchauffement climatique, ils précisent que la mise en œuvre de cette réglementation au regard des délais contraints va à l’encontre des réalités locales. Le ZAN impose, en effet, une réduction drastique de l’étalement foncier, avec l'objectif de diviser par deux la consommation d’espaces naturels et agricoles entre 2021 et 2031.


Mais ce qui se conçoit à Paris comme un impératif écologique devient, dans les territoires concernés, une contrainte majeure au développement, où même les projets de logements sociaux sont freinés par des considérations environnementales. La construction de nouveaux logements devient donc un dilemme entre répondre aux exigences de la loi SRU et respecter les objectifs du ZAN.


On a beau regarder le verre à moitié plein on perçoit quand même un peu (beaucoup ?) d’incohérence dans la mise en action de certaines décisions ! Et cela ne s’arrête pas là.


En effet, si une commune rurale ou périurbaine arrive tant bien que mal à produire des logements sociaux, ou tout simplement des logements malgré la ZAN, celle-ci et surtout ses habitants se heurte une fois de plus à une situation ubuesque !


ZFE : une décision écologique antisociale (tu perds ton sang froid) ?

En effet, depuis le 1er janvier 2025, l’accès à 42 agglomérations de plus de 150 000 habitants est interdit à plus de 12 millions de véhicules classés Crit’Air 3 et plus, notamment ceux immatriculés avant 2006 pour les véhicules à essence, ou avant 2011 pour les diesels.


Cette interdiction, qui concerne potentiellement un tiers du parc des voitures particulières existant, affecte directement ceux qui vivent dans les territoires périphériques, souvent dans des zones rurales ou périurbaines. Une majorité de ces conducteurs sont issus des classes populaires, souvent les plus dépendantes de leur véhicule pour se rendre au travail, à l’hôpital, ou pour mener une vie sociale normale.


Les zones à faibles émissions (ZFE) risquent donc de devenir un frein supplémentaire à la mobilité pour des millions de Français, notamment ceux qui vivent dans des logements sociaux éloignés des centres métropolitains. Le paradoxe est frappant : ceux qui, en raison de leur situation sociale, possèdent des voitures plus anciennes, sont désormais les plus pénalisés par ces mesures environnementales. Ces citoyens ne sont pas en capacité d’acheter un véhicule plus récent et moins polluant, et se retrouvent ainsi exclus de l’accès aux grandes agglomérations, l'offre en transports en commun n'étant pas forcément optimal. En pleine crise économique, ces restrictions viennent fragiliser davantage les plus vulnérables.


On a beau regarder le verre et chercher s’il est réellement rempli ces trois obligations SRU, ZAN et ZFE, sont les symptômes d’une politique publique qui, bien qu’animée par des intentions écologiques et sociales louables, semble de plus en plus déconnectée des réalités locales.


Oui la pollution de l’air représente un enjeu de santé publique majeur, avec des répercussions graves sur la santé des Français. Mais quand un ménage français ne peut pas changer son véhicule ne risque-t-on pas de le plonger dans une grande précarité en lui interdisant l’accès aux agglomérations génératrices d’emplois ou de services comme les hôpitaux ?


Une urgence a s'adapter au principe de réalité

Les élus des territoires périphériques se retrouvent donc contraints par des obligations parfois contradictoires et, de surcroît, irréalistes. Ces mêmes élus ont beau le dire haut et fort, rien ne semble pour autant évoluer. Du coup ces élus locaux, se retrouvent à leur tour défiés ou désavoués par des citoyens excédés, fatigués, déçus.

Au lieu d’aménager, d’amender ou d’adapter ces décisions en fonction d’un principe simple, le principe de réalité, ces dispositifs creusent encore davantage la fracture territoriale. Ils pénalisent surtout les populations déjà les plus vulnérables. Une révision de ces politiques, dans une optique plus pragmatique et adaptée aux spécificités locales, s’impose avec urgence. Le risque de voir ressurgir des « Gilets jaunes » ou des « Bonnets rouges », appelez-les comme vous voulez, à quelques mois des élections municipales est loin de n’être qu’une hypothèse…

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